SOUVENIRS DE MES A PEINE 11 ANS

Ma mère me cousait des genouillères tous les 2 jours, mon pantalon étant devenu très épais, je pouvais glisser sur le sol de la cour de récréation sans m’esquinter les rotules, et puis j’ai toujours aimé embrasser le bitume ; c’est mon côté papal. A la cantine le directeur ne voulait pas que nous éclations les paquets de chips. Un jour je l’ai fait quand même. Il m’a puni. Depuis je hais tous les individus dont la fonction est
« Directeur ». Je ramenais des images d’animaux à la maison, celles que me refourguait l’instituteur, car ma mère était allergique aux poils de chats. Le jour où mon hamster est mort, mon père n’a pas osé me l’annoncer. Il regardait par terre, comme un gosse qui vient de tuer sa sœur en jouant avec elle. J’avais bien remarqué qu’il y avait comme une drôle de bosse sur la pelouse, j’ai creusé et j’ai couché le hamster mort dans la cage, des larmes pleins la vue. Mes parents me destinaient tout naturellement à la taxidermie. Hélas j’étais également allergique aux poils de chats. Le docteur, un savant myope, avait énoncé le principe suivant : « Les allergies c’est génétique ! ». Mon père, à table, alors que le docteur venait de nous quitter, ajouta : « La connerie aussi ! ». Il me semble bien que c’est ce jour-là que j’ai compris qu’il n’était pas drôle. J’allais à l’école à pied, avec mes chaussures à scratch, très pratiques car pas de lacet. Première alerte : je suis un fainéant. Deuxième alerte : mon maître d’école « Peut mieux faire… dans la lune… trop distrait ». Troisième alerte : j’ouvre le dictionnaire au hasard et tombe sur le mot « fumiste ». Les jeux sont faits. En vélo je passais mon temps par terre. J’ai encore l’odeur du goudron chaud dans les narines, le macadam était tellement brûlant que l’été ça collait aux pieds, pendant ce temps-là je bouffais pas de chewing-gum. Pendant la récré je parlais beaucoup, et souvent tout seul ; sans doute par prétention ; mes contemporains m’agaçaient déjà. Ils tapaient dans un ballon, couraient après parce qu’untel shootaient tr op fort, grimaçaient comme des singes parce qu’untel shootaient vraiment trop fort, le bourrin ! Du calme ! Ma mère m’engueulait pour que je choisisse un sport qui me plaise. La sieste n’étant pas affiliée à une fédération quelconque, je m’inscrivis dans un club de football. Olivier était un type encore plus flemmard que moi. Sa planète s’appelait le Rêve, il cueillait des fleurs sur le terrain, même pendant les matchs. Mes coéquipiers ne se souvenaient plus qu’il faisait partie de l’équipe ; sauf sous la douche, les cons. Au bout de 6 mois mon état de santé, ma fébrilité et mon apparence chétive m’ont condamné à stopper toute activité sportive. J’ai poussé le vice jusqu’à ne plus réfléchir non plus. L’idiot de la famille. « L’âge bête » répétait ma mère en sanglotant au téléphone. Au mois de mars 1987 j’ai rencontré Dieu dans une église, juste à côté d’une prison. Comme je suis malin j’avais déjà bouffé une hostie avant de communier, j’en connaissais le goût : pas de mauvaises surprises pour le jour J . Mes parents l’ont su, je leur ai raconté pour les faire marrer ; ma mère m’a giflé. C’est ce jour là que j’ai compris qu’elle n’avait vraiment pas d’humour ; il me manquait juste les preuves. Toute la famille s’était réunie au restaurant, je portais une cravate noire avec un élastique autour du cou, quelle classe ! Comme cadeau mes parents m’avaient offert une gourmette ; au bout d’une semaine je l’ai volontairement égarée. Je dois être descendant d’esclaves, je ne veux pas de montres (les aiguilles m’embrouillent, je ne sais pas lire l’heure), pas de bracelets brésiliens (j’aime trop le Brésil) et n’y revenons plus ! Pendant le dessert j’avais pris quelques photos avec l’appareil acheté par mon parrain : des gros plans à couper le souffle sur la mie de pain. Quand mes parents sont allés faire développer mes chefs-d’œuvre ils ont rougi de honte devant le spécialiste. Le pire c’est lors de mon voyage en Espagne. Ma mère, qui adore l’exotisme, attendait avec impatience mon retour pour pouvoir s’évader à Madrid, à Malaga… Et le charme de l’Andalousie… Le jardin de l’Alhambra… Splendide… Sur une dizaine de photos on constate avec étonnement que j’ai oublié de retirer le cache, pour les autres on reste coi d’admiration devant ses images incroyables de fourmi sur un mur, et pas n’importe quel mur… un mur castillan mesdames et messieurs. Je crois que je peux dire que jusqu’à mes à peine 11 ans j’étais vraiment un p’tit con. A bien y réfléchir ce fut pire ensuite.


DJ ZUKRY
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