IDAHO ET JIM HARRISON : une bulle mélancolique et confortable...

Idaho est le nom d’un état américain situé dans les Rocheuses, au Nord-Est des Etats-Unis. C’est aussi le patronyme d’un groupe de rock californien dont la musique accompagne à merveille mes moments de recueillement les plus intimes.

C’est donc avec un certain enthousiasme que j’ai mis la main sur le nouvel album « Hearts of palm » et que j’ai pu constater que le pouvoir évocateur de sa musique est demeuré intact. On y retrouve les ingrédients qui font sa force et sa distinction : une rythmique à la fois lancinante, précise et puissante, des larsens mélodiques formant autant de nappes enivrantes ; de savants arrangements de cordes et de piano et enfin, une voix grave et plaintive au bord de l’extinction.

Ce qui frappe chez Idaho, c’est la corrélation existante entre la vie intérieure du chanteur Jeff Martin et l’évocation de paysages naturels suscités par la musique. L’album se déroule comme un voyage initiatique, où l’auditeur est plongé dans une bulle mélancolique et confortable, balancé entre la tristesse jubilatoire, la joie pure, la dépression orageuse avec en panorama des espaces désertiques. Cette bande-son imaginaire exprime le besoin irrépressible du citadin de se rapprocher de la nature et de trouver le chemin qui le mène à lui-même.

On peut ainsi faire un lien avec les nouvelles de Jim Harrison, écrivain écologiste, porté sur la bouteille et les femmes, qui fut révélé au public grâce à « Légendes d’automnes ». Son style simple décrit avec une étonnante précision les décors, les mouvements et la psychologie embrumée de ses personnages. Il y a quelque chose de cinématographique dans son écriture, qui fait du lecteur un acteur intimement lié au déroulement du récit, par la simple participation de son imagination.

Parmi ses nouvelles les plus marquantes, il faut citer « Un bon jour pour mourir ». Contant l’histoire d’un pêcheur, d’un revenant du Vietnam et de sa compagne, partis en virée dans le Colorado pour y faire sauter un barrage. Une nouvelle qui défile dans un climat désespéré et irréel ; les rêves et les souvenirs côtoyant le cauchemar de l’action. Le narrateur fait ressurgir les multiples sensations et sentiments qui hantent chaque homme : la perplexité de l’homme devant la femme, le désir d’évasion physique et mentale, la célébration des phénomènes naturels. Il est rare qu’un auteur ait le pouvoir de vous transformer à ce point. Faites l’expérience d’écouter en sourdine « Hearts of palm » tout en lisant Jim Harrison et vous constaterez que l’on peut voyager d’une autre manière.

HERVE

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