DJ ZUKRY SE PREND POUR DIEU

(ou les états d’âme lamentables d’un égotriste de même pas 33 ans)

Je ne suis pas un journaliste. Je n’écris pas d’articles sympas. Je ne suis pas sociable. Je ne cherche pas de nouveaux amis. Je n’aime pas la musique festive. Je rêve de tuer un percussionniste. Je ne suis pas un provocateur. J’aime que l’on m’écoute. Je sais que j’ai raison. Ecrire quelques lignes dans un fanzine ne m’intéresse pas. Je veux que vous stoppiez immédiatement la lecture de ce texte. Je ne pratique pas le non-sens. Au contraire, je veux donner du sens aux mots. J’exècre le hip-hop français. Le pouvoir de contestation d’un rappeur s’arrête au bout de sa casquette. Ces oligophrènes en survêtements souhaitent le maintien des règles du jeu capitaliste dans le seul espoir de pouvoir, demain, s’asseoir devant le tapis vert. Ce sont les nouveaux chefs d’entreprises. La différence avec les anciens c’est que l’on peut les tutoyer. J’abhorre violemment les rockers. Le rock’n’roll agonise à la mort depuis 50 ans et nous restons là sans bouger. Oui, je suis pour l’euthanasie obligatoire et généralisé des vieux blousons noirs et de leurs rejetons ringards qui pensent encore trouver dans cette musique une subversion qui n’a jamais été que du vent. Je suis un non-violent. Une preuve : je suis contre la guerre lorsqu’elle se passe en dehors de nos frontières. Je n’ai jamais donné un seul centime à une association caritative. Je pense même que Coluche était un gros con de bourgeois grassouillet à l’idéologie maigrichonne. J’aime voir les motards au bord de la route, le casque le plus loin possible de leur tête. Je ne pratique pas le « tuning ». Je n’ai pas de lecteur CD dans ma voiture. Je ne souhaite pas être joignable partout et à tout instant. Je ne suis pas socialiste. Je ne voterai pas pour François d’Aubert. Je n’ai pas fait partie de la Résistance pendant la dernière guerre mondiale. J’ai déjà dénoncé un voisin qui ne frappait pas ses enfants. Je suis, sans doute, le plus dangereux sycophante de mon quartier. Je n’ai jamais aidé une personne âgée à traverser la route. On ne m’a jamais dit que j’étais gentil. Je n’ai pas envie de me suicider. Je ne serais pas attristé d’apprendre la mort de Zidane. Les humoristes français ne me font pas rire. Je ne suis pas drôle. Je ne suis pas un humoriste français. Je ne me sens pas particulièrement fier d’être français. J’aimerai que l’on dise de moi que je suis un sale réactionnaires aux idées puantes de négationnistes. Ainsi pourrais-je sûrement devenir l’éditorialiste du « Courrier de la Mayenne ». Vous voyez bien que vous n’auriez pas dû lire ce texte. Le responsable de ce torchon ne devrait pas laisser des gens comme moi souiller leur stylo dans la fange avant de l’étaler grossièrement sur un support pourtant inoffensif. Il existe tellement d’êtres sensés qui aimeraient être à ma place. Ils en profiteraient pour distiller des messages de tolérance et d’amour. Ils déclameraient leur bonheur et leur "coup de cœur". Ce texte ne doit sa seule existence qu’à la sacro-sainte "liberté d’expression" qui ne sert que si l’on censure. Je n’appartiens à aucune école. Je ne suis pas un anarchiste. Je n’ai qu’un seul Dieu et qu’un seul Maître : Moi et mon Ego. Je suis un hédoniste forcené. Je ne donne jamais mon sang. Je n’ai jamais regardé « Urgences ». je n’ai pas peur de la mort des autres et, si par malheur, ce numéro de BIGORNO s’avérait être le dernier j’en prends, à moi seul, la responsabilité. Je suis un martyr.

DJ ZUKRY (décembre 2000)

précédent sommaire suivant