LE CUL ENTRE DEUX CHEMISES

« C’est pas le tout d’avoir un beau stylo ».
Qui vous savez

Quel succube m’habite ? L’orgueil panse-bête, la prétention moulante à pressions et le recul fluet : j’écris dans Bigorno. Sans fond apparent sinon trouble, un propos insipide, un style boueux, un os de seiche syntaxique. Sur ce néant technique une flottille de réflexions niaises et nauséeuses car plus rien ne brille. Je m’en sortirai tout sale, moi qui aurais tant aimé en vivre. Rien à vous dire ; je jouis tout simplement du privilège d’être publiable à vie dans cet inefficace exutoire qui porte de mieux en mieux son nom. Je vais broder, les lèvres cousues de fil de pêche, la canne à plume à la main. N’y voyez aucune poésie ou il vous faudra reparcourir ce macramé piscicole et mes tractations avec l’échec perdront de leur précieuse ingénuité.

Une fois rentré de Zagreb je ferai chanteur. J’incarnerai un Aidan Bucklina, un Tim Morriffat. Que s’écroulent dès à présent mes deux parties jumelles. Ou alors je ferai diariste-peintre. Une toile par jour, peut-être deux le jeudi, je suis né un jeudi. Un concept tout piteux pour que les drogués s’extasient et que les alcooliques s’enivrent de ma patte de visionnaire myope. J’ouvrirai peut-être une cellule de soutien psychologique itinérante pour les délaissés du bonheur à l’occidentale, je créerai une entreprise de dévalement de façade sans filet ou un institut de sondages d’opinion ne visant qu’à me réconforter, à savoir « suis-je un bon amant ? ». Pour les plus suspicieuses, une période d’essai. Quelle drôlerie ! Dix francs pour qui-de-droit. L’avenir est incertain : c’est pas encore ça qui me fera croire au destin, moi qui ai découvert le hip-hop avec les Inconnus. En investissant mon temps de vie dans la production massive, je suis condamné à dépérir de folie, d’ennui ou de malheur relatif. Peut mieux faire, un effort est à envisager sinon… sinon ce texte sera le dernier de ma main droite, membre que je couperai net et sans vergogne. Le macramé d’une main mielleuse et macchabée, si tant est que ce dernier adjectif puisse être employé comme tel. Priez je ne sais qui pour moi.

Tout ça pour vous dire que j’aime le poisson, chose que vous aurez compris au regard de ma métaphore-filet ; et que si je n’ai rien de plus intéressant à écrire, il est grand temps que je ferme mon capuchon car s’il est vrai que je n’ai jamais fait si long, c’était pour vous épargner ce genre de conclusion brouillonne, rédigée à la hâte de peur que le rédac’chef, équivalent christique d’un trublion-kamikaze-islamiste, ne mette fin à ce privilège mentionné plus haut, sans lequel, moi, pauvre pêcheur, je ne suis plus rien à vos yeux. Pour mes admirateurs, sachez que la prochaine fois sera la bonne et que vous saurez tout des secrets de la Bigorne?

SAMUEL

précédent sommaire suivant