LE COURRIER DE LA TELESPECTATRICE

« J’aime l’ennui » - Christophe (crooner français).

De cette sentence inexorable s’échappent toute la détresse et l’abnégation de l’être fourbu, co-auteur des « Mots bleus » et d’« Aline », dont le retour pathétique et saugrenu sous les feux de l’actualité ne fait que rappeler la façon dont le chaland est enchaîné à sa nostalgie truquée, faite de souvenirs adipeux pris sur les linéaires de son Intermarché favori. Telle est l’emprise de certains médias/entreprises sur la mémoire collective à grands coups de recyclage. Les coprolithes se changent en pépites d’or pour l’industrie de la culture. Christophe et ses slows mortifères sont un exemple, et je n’évoque même pas le revival à la Phil Barney !!! (quoi de plus horrible qu’un tube des années 80 ?). Entendre ce bipède salace, hier comme aujourd’hui, est plus sordide que de visionner un métrage de Jean Rollin (…) ou pire encore, le dernier Polanski. Car en terme d’abject, en voici un que rien n’arrête. Pillant son caveau de famille, Polanski exploite ce fond de commerce qu’est devenue la Shoah en réalisa nt « Le pianiste », raflant au passage la palme d’or et gagnant du même coup la ferveur d’un public décidément trop crédule. Ces messieurs de la Croisette estiment sans doute que le juifs n’ont pas assez souffert, il faut aussi que des nécrophiles brassent les thunes... A ce propos, René Char écrivait : « Il existe une espèce d’homme toujours en avance sur ses excréments ».

Récemment, je suis tombé sur une pub télé vraiment minable, un nouvel exemple de l’hégémonie du lucre, fétide et médiocre : « Le Crédit Mutuel présente le nouvel album de Gloria Pétasse » (ou je ne sais quel nom débile). A gros renfort de silicone et de Colgate ultra, cette chose vaguement féminine ânonne un texte d’une telle vacuité qu’on le croirait tout droit sorti de chez Frédéric Beigbeder. Autrement dit, produire de la merde est passé dans les mœurs et l’on ne s’en cache plus ; si le Crédit Mutuel se targue d’avoir lancé la Britney Spears du compte épargne, d’autres suivront. J’invite alors la marque Lotus à créer son propre label de musique en réponse aux problèmes de transit intestinal de sa clientèle : « Pour l’achat d’un troisième rouleau de PQ, Lotus vous offre le dernier laxatif de Jean-Jacques Goldman ou de Gorillaz… ».

Toujours est-il que ce monde croule sous l’éclatante ignominie des uns, et la rébellion salonnières des autres. Dans ce second registre, rendons hommage à Marc-Edouard Nabe, cet insurgé d’opérette, le Sulitzer de la diatribe, persifleur arriviste et sicaire aux bons mots. Assurément, Nabe est difficilement crédible lorsqu’il dénonce les carences d’un système chez Thierry Ardisson ; qui croit-il duper ? Qu’il aille plutôt vendre ses lazzi sur TF1, ça rapporte davantage ! Ardisson, c’est du menu fretin, il n’intéresse qu’un public restreint de quelques millions d’acéphales, entre son talk-show méphitique côté hertzien, et son pseudo JT de la culture côté câblé au cours duquel sa meute de chroniqueurs hâbleurs se love dans le consensuel et l’insipide...
D’autres insoumis de pacotille clameront leur indignation ; on saluera tout particulièrement les prises de positions d’Elie Semoun, l’élu de la bêtise œcuménique, dont la lourdeur ferait presque oublier l’humour « Leader price » d’un Marc Jolivet ou d’un Laurent Ruquier…

Ainsi va la vie, et pendant que j’évoque notre lot commun, nombre d’octogénaires s’éteignent dans nos petites maisons de retraite, délaissés de leur famille comme on abandonne un chien sur les routes des vacances. Nos petits vieux sont shootés au formol et finissent reclus dans une torpeur larvaire qui n’a rien d’une chrysalide… Cette réalité voilée par une société futile n’intéresse personne et sa simple allusion provoque l’ennui. La carte vermeil semble périmée et la toute puissance du « jeunisme » galvanise l’Occident*.

Amédée, 87 ans, Saint Léger des Bois (Maine et Loire).

* dont l’étymologie dérive du latin occidere, d’où le verbe « occire », occident signifiant « assassin » au Moyen -Âge.

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