BBC RADIOPHONIC MUSIC (1968) - BBC Enterprises.

Ce vinyl que les collectionneurs connaissent sous le nom de " pink album " (voir pochette) n'est paru qu'en 1971, mais les musiques présentées ont été créées entre 1958 et 1968, et marquent les dix ans d'existence du " radiophonic workshop ".

Le BBC Radiophonic Music comprend plus d'une trentaine de plages composées par Delia Derbyshire, John Baker et David Cain, initialement destinées à " colorer " différentes émissions. Les thèmes électroniques proposés ici sont donc assez disparates, tantôt ludique, tantôt abstrait, tantôt angoissant, tantôt futuriste, etc. (nombre d'entre eux ont servi à la radio comme support sonore aux lectures de nouvelles de Philip K. Dick, John Jakes, H.G. Wells, John W. Campbell ; d'autres ont par exemple illustré les adaptations télévisuelles de récits d'Isaac Asimov).

La première écoute de ce disque fait immédiatement penser aux musiques de Raymond Scott (Manhattan research inc.), de Piero Umiliani (Musica dell'era tecnologica et Mondo dei romani - disponible en compact sous le nom de Musica elettronica), de Louis et Bebe Barron (Forbidden planet OST), et bien sûr on ne peut s'empêcher de dresser un lien entre la BBC Radiophonic Music et les prestigieuses compilations du label anglais Lo (Luke Vibert's Nuggets & Further Nuggets, et Barry 7's Connectors vol. 1 & 2) puisqu'il s'agit aussi de musique d'illustration.

Plus qu'un simple recueil d'archives, le BBC Radiophonic Music étonne par sa cohérence et le caractère intemporel de certaines compositions. Les amateurs se délecteront de ces musiques pour son audace (notamment avec le cultissime Ziwzih Ziwzih OO-OO-OO et le titre Pot au feu), sa fraîcheur (Radio Nottingham, New worlds, Festival time), ses atmosphères (Blue veils, Tomorrow's world, The Delian mode) et son humour (Happy birthday, Fresh start, Time to go).

Désormais disponible en compact chez BBC Enterprises, UK.

WHITE NOISE : " An electric storm " (1968) - Island.

L'idée originelle d'An electric storm appartient à David Vorhaus qui, pour la concrétiser, s' est entouré de l'expérience de Delia Derbyshire et de Brian Hodgson. Ce concept album, presque entièrement réalisé avec des instruments électroniques, présente une sorte de pop expérimentale parfois ludique, parfois plus obscure ; tour à tour, John Whitman et Val Shaw assurent un chant, non pas posé sur la musique, mais formant l'une de ses composantes. La musique de White Noise marque une grande nouveauté dans le monde de la pop, y compris face à celles parfois proche de Fifty Foot Hose (Cauldron -1967), de Pierre Henry/Michel Colombier (Psyché rock -1967) et de Free Pop Electronic Concept (A new exciting experience -1969). Cela tient de l'absence quasi totale de guitare électrique, un parti pris courageux pour l'époque. Et bien qu'An electric storm ne constitue pas la première tentative de pop électronique au cours de années soixante, elle apparaît pourtant comme la plus radicale et la plus contrastée.

Chaque face de l'album possède son atmosphère propre. la première, éclectique et ludique, fait écho à l'expérimentation d'autres artistes comme Joe Meek (I hear a new world -1960), United States of America (Eponymous -1968), voire Mick Jagger (Invocation of my demon brother soundtrack -1969). La seconde, beaucoup plus atypique, accueille deux longues plages hallucinées, visionnaires, annonciatrices de courants musicaux d'essence subversive enracinés dans la fin des années soixante-dix : la musique industrielle, l'avant rock et la cold wave. Ces deux titres contiennent tous les ingrédients qui feront plus tard le bonheur de nombreux artistes ; The visitations, une composition brillante de près de douze minutes, procure une sensation de torpeur ouatée, hantée par une tension palpable et singulière ; les nappes synthétiques des claviers d'un part et le réalisme des sons compilés d'autre part étoffent un mystère habilement tissé sur toute la durée du morceau. L'autre titre de cette face B, The black mass : an electric storm in Hell, est devenu l'archétype de la musique industrielle rituelle. Sept minutes d'orgie électrique dont les bruits blancs en pagaille, les fréquences agressives en vagues successives, les effets de masse et les boucles hypnotiques enserrent un jeu de percussion tribal, répétitif, inexorable. Le titre de l'album révèle ici tout son sens.

Ainsi, les bases d'une nouvelle ère musicale sont jetées, et la descendance canalisera cette virulence sonore, de Throbbing Gristle (1975), Bauhaus (1978), SPK (1979), Merzbow (1979), Nurse With Wound (1979), Einstürzende Neubauten (1980), Cocteau Twins (1982), Current 93 (1983), The Ruins (1985), à la scène électronica qui sévit actuellement çà et là, de façon tentaculaire.

An electric storm fait figure de nos jours de pièce fédératrice qui devrait aussi bien convenir aux amoureux d'électronica, que de pop, de musique industrielle, et pourquoi pas de musique concrète. En dehors de toute appréciation artistique, il semble toujours intéressant de chercher l'origine de ce que nous écoutons aujourd'hui, et White Noise offre ici un certain nombres de réponses.

An electric storm est disponible en LP/CD sur l'internet.

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