Dj Vadim n’est pas le fils de Roger Vadim et n’a jamais tété le sein droit de B.B : voilà qui est dit, n’y revenons plus. Sortir un album au même moment que celui de Dj Shadow : Endtroducing (Mo’Wax) était plutôt risqué. Et en effet ce disque n’a pas joui des caresses dithyrambiques que la presse musicale faussement branchée accorde, comme à son habitude, au premier anglais vaguement excentrique. J’affirme qu’un type, portant certes une casquette mais qui cite Luigi Russolo - un pionnier du futurisme et l’apôtre du bruitisme - en anglais dans le texte, doit être sauvé des eaux marécageuses de la promotion outrancière et du vacarme médiatique.

Dj Vadim se joue des silences. Eloge du temps mort. Le tempo est à son plus lent : entre chaque beat il y a de la place pour y incruster des pets, des rots, des fender rhodes en débandade, une logorrhée de Notre Sainteté, un clin d’œil à la musique concrète ou une incongruité burlesque. Vadim aime bien le son cradingue, les crépitements exagérés, les fins en unhappy end, les voix au ralenti, les discours hachés. La bobine redémarre doucement ; ça hoquette, crachote, expire. Et puis il sait scratché le camarade ! En Russie il a éventré des platines pour voir ce qui se cachait là-dedans : rien de bien excitant, pas de quoi fouetter une crème anglaise. Il a décidé de mettre le scratch au service de l’Etrange. Vadim est un rigolo, tout ce qu’il y a de plus sérieux, qui s’amuse de vous : c’est le Erik Satie du hip-hop abstrait.

Dans cet opus, pas de rappeur mielleux qui vous assène de lamento larmoyant et pathétique. Ne faîtes pas écouter ce disque de 75 minutes à un ami qui ne jure que par Skyrock, vous le ferez blêmir. Il trouvera l’introduction trop longue, il peut toujours attendre ! Vadim ne prostitue pas la langue, il la donne à son chat. Dj Vadim, tel un parfait russe, est un gymnaste mental ; il fait des roulades sur le tapis de l’esprit, juste pour amuser la galerie. Vadim connaît ses classiques, il a baigné son vieux casque dans le hip-hop, le meilleur : il a bien désappris la leçon. C’est cela le but de l’Artiste, tout oublier, devenir amnésique pour se construire sa propre identité. Voilà pourquoi je reconnais un morceau de Vadim entre mille.

La patte Vadim c’est l’anti-French Touch. Dj Vadim n’est pas Versaillais, est plus punk que les Daft Punk et surtout il pollue Air, ces dandys barbouillés de Pop.