" Dans mon silence sacerdotal, j'analyse la dynamique du loquet automatique de l'ascenseur. Lorsqu'il se déclenche à deux murs, mes oreilles font à chaque fois un sursaut. Ces automatismes canins ne me rassurent pas sur mon évolution. Quand j'emprunte l'OTIS pour faire le plein de fumigènes, j'ausculte les traces de ta dernière visite sur les boutons chromatiques de la machine. La panne qu'il t'a fait subir entre le deuxième et le troisième étage t'a bien fait appuyer plusieurs fois sur la touche " alarme " rarement utilisée.

Je sublime à l'idée de retrouver ton empreinte. Trop grande, ce n'est pas la tienne.

Ce chewing-gum dans le cendrier de la cabine non plus. Il date d'aujourd'hui et tu n'es pas venue aujourd'hui. Comme un clébard poussé à changer de chatte, je renifle les autres avec comme tissus-témoin une culotte que j'ai pu te prendre avant ton dernier départ. La nuit dernière, la cuvette des toilettes m'a revendue quelques poils pubiques qui t'auraient appartenu. Je l'ai cru sur

parole et les ai roulé dans une feuille de gomme arabique. J'ai toussé puis me suis rendormi. Je m'accroche à contre-poids au plateau d'une balance. Dans le croisement incessant des ascenseurs, l'aiguille de ma Roberval ne penche pas du bon côté. Dans la chute nous nous élevons, c'est la loi des vases non-communiquant. Mais l'équilibre se trouve-t-il encore dans notre polygone de sustentation ? "

Extrait d' " Ascenseur pour l'échappée " ( 1970 ) - de Gabriel YABAMIAH (Editions Netzah).

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